INTRODUCTION


La couronne solaire émet un flux de plasma à des vitesses de l'ordre de quelques centaines de kilomètres par seconde: le vent solaire. Celui-ci repousse le plasma interstellaire en dehors du système solaire jusqu'à des distances de l'ordre de 100 ua. L'héliosphère, cette immense bulle qui entoure le soleil, est complètement contrôlée par le vent solaire et le champ magnétique qu'il entraîne avec lui. Jusqu'en 1992, l'héliosphère n'était étudiée in-situ que dans une mince couche de part et d'autre du plan de l'écliptique. Avec le lancement de la sonde Ulysses, premier véhicule spatial à quitter le plan de l'écliptique, l'héliosphère a été pour la première fois explorée en trois dimensions. Des résultats essentiels, souvent non conformes aux prévisions théoriques, ont été obtenus, en particulier sur: Pour ma part, j'ai orienté mes recherches sur le comportement des particules d'origine solaire et leur apport dans la compréhension des relations couronne-héliosphère. J'ai abordé les deux problèmes suivants: Les deux sections suivantes vont présenter les différents aspects physiques liés à ces questions et faire le point des connaissances actuelles qui y sont rattachées. Je décrirai tout d'abord les aspects liés à la propagation des faisceaux d'électrons et aux structures fines de l'héliosphère. Puis je poserai la problématique des particules énergétiques solaires.

Propagation des faisceaux d'électrons et structures fines dans l'héliosphère: problématique

Les observations de la couronne en lumière blanche révèlent une structure fine fibreuse. La taille transverse typique des jets fins est de l'ordre de quelques milliers de km ce qui est à la limite du pouvoir de résolution de la plupart des instruments actuels. La nature fibreuse de la couronne a également été révélée indirectement par les observations radio (voir Roelof et Pick, Vlahos et Raoult, Cette nature fibreuse de la couronne semble se répercuter dans le milieu interplanétaire puisque les observations y montrent la présence de structures de plasma de différentes tailles transverses (typiquement de 4.106 km à 1 ua voir Anderson et Dougherty). La structure du milieu interplanétaire est-elle le prolongement de celle détectée dans la couronne? En particulier, les structures de plasma, identifiées par la mission Helios entre 0,3 et 1 ua, pourraient être le prolongement dans le milieu interplanétaire de la supergranulation solaire (voir Thieme et al.). S'il en est ainsi, le problème de la stabilité de telles structures dans le plasma du milieu interplanétaire se pose. Les mesures in-situ des paramètres du vent solaire (densité, vitesse, champ magnétique...) permettent d'avoir accès à la structure locale du milieu interplanétaire. Elles peuvent être complétées par des mesures sur les particules non-thermiques qui sont utilisées comme traceuses du champ magnétique. En effet, les rayons de gyration de ces particules de l'ordre de mille kilomètres sont largement en deçà de l'échelle des fluctuations du champ magnétique interplanétaire (de l'ordre de 100000 km). Ces particules suivent donc la même ligne de champ tout au long de leur trajet; l'étude de l'anisotropie et des variations temporelles du flux mesurées localement permet de déduire les propriétés du champ magnétique à distance et ainsi d'avoir une idée de sa structure à grande échelle. Selon les problèmes auxquels on s'intéresse, plusieurs sources de particules peuvent être utilisées (ondes de choc du milieu interplanétaire, composante anormale...). Les observations obtenues avec le satellite ISEE3 ont montré que les événements solaires impulsifs à électrons sont un bon moyen de tester la structure fine de l'héliosphère entre la source solaire et l'observateur, et ont permis d'établir l'existence de multiples canaux de propagation à l'intérieur desquels les particules se propagent sans diffusion. Occasionnellement ces particules sont réfléchies quand elles rencontrent des miroirs magnétiques (voir Anderson et al.). Ces études ont été effectuées en majorité au voisinage de 1 ua, et les conditions d'existence, ancrage et développement de ces structures n'ont pas été étudiées. Le lancement d'Ulysses a ouvert de nouvelles perspectives: la possibilité d'étendre les observations à quelques unités astronomiques et en trois dimensions. Ulysses embarquait en effet toutes les expériences nécessaires aux mesures des paramètres de plasma et des particules.

Particules énergétiques solaires dans l'héliosphère: problématique

Les études théoriques et les observations des 10-20 dernières années indiquent que la reconnexion magnétique joue un rôle important dans les processus de libération d'énergie thermique et d'accélération des particules dans la couronne solaire. Nos connaissances à ce sujet ont largement progressé, en particulier grâce aux observations en rayons X obtenues avec le satellite Yohkoh ( Tsuneta et al.). Cette libération d'énergie se manifeste sous forme d'une multitude de microphénomènes (de taille caractéristique de l'ordre de quelques secondes d'arc). Lors des éruptions solaires, les observations faites avec les deux télescopes à rayons X durs (HXT1 et mous (SXT2) révèlent une structure de la région émissive compatible avec la présence d'un site de reconnexion coronal (Kosugi et Tsuneta) Ces observations suggèrent la présence d'une ligne neutre de (type X ou Y) surplombant un système de boucles magnétiques (Acton et al. et Doschek et al.). L'ordre de grandeur de l'énergie libérée sous forme d'électrons non-thermiques lors d'une éruption est de 1025 à 1026 J. Dans certains cas extrêmes (~ une éruption par cycle solaire), l'énergie libérée peut même atteindre 1027 J (Kane et al.) ce qui est un ordre de grandeur au-delà de ce que renferme la configuration magnétique initiale de la région active. Ceci implique, en accord avec les résultats antérieurs obtenus en radio (Pick et al. et Trottet ), que la libération d'énergie concerne des volumes beaucoup plus larges. Les observations de Yohkoh montrent en effet que des interactions magnétiques font intervenir non seulement les champs magnétiques de la région active mais aussi ceux des régions avoisinantes.
Dans la couronne, les manifestations les plus spectaculaires de libération d'énergie par reconfiguration magnétique sont les Ejections de Masse Coronale (CME). Elles se produisent souvent en même temps que les éruptions ou les protubérances éruptives et peuvent correspondre à de larges structures coronales, dont l'extension en longitude est typiquement de ~40o (Kahler et Hundhausen). Elles sont éjectées du soleil après avoir été déstabilisées (Webb et al.) et se retrouvent dans le milieu interplanétaire sous forme de transitoires. Ces transitoires sont constitués de plasma se déplaçant à des vitesses supérieures à celles du vent solaire. Une relation biunivoque CME-transitoires n'est pas établie pour le moment mais semble cependant plausible (Schwenn et Marsch Tome II p 4).
Des particules énergétiques solaires sont observées en relation avec ces différentes formes d'activité solaire. Elles sont détectées, soit directement dans le milieu interplanétaire soit indirectement au soleil, grâce au rayonnement électromagnétique qu'elles produisent dans un large domaine spectral depuis les fréquences radio jusqu'aux rayons gamma. L'exploitation des observations à 1 ua pour l'étude de l'accélération est entravée par les nombreux processus intervenant entre la source et l'observateur (transport coronal, injection, puis propagation dans le milieu interplanétaire).
Il existe deux grandes classes d'événements corpusculaires interplanétaires: les événements impulsifs et les événements graduels. Ils se distinguent par:

Impulsifs Graduels
Particulesriches en e- riches en p+
3He/4He~1 ~0,5.10-3
Fe/O~1~0,1
H/He~10 ~100
QFe ~20 ~14
Duréeheuresjours
Cône de longitude<30o ~180o
Tableau 1: Les différentes caractéristiques des événements graduels et impulsifs (extrait de Reames).

Les événements impulsifs sont de courte durée (quelques heures par opposition aux événements graduels durant plusieurs jours) et ont une plus forte proportion protons/électrons que les graduels . L'origine éruptive des événements impulsifs semble ne faire aucun doute. Les électrons sont fortement collimatés le long de la ligne de champ magnétique reliant la région d'accélération à l'observateur. Il y a similarité entre la composition des éléments déduite au soleil par spectroscopie gamma et celle des événements impulsifs (Murphy et al.).
L'origine de l'accélération produisant les événements graduels est par contre le sujet de débats contradictoires dans la littérature. Lors de ces événements, les particules sont présentes dans un domaine du vent solaire de très grande extension en longitude. Une première classe de modèles propose une accélération impulsive des particules lors des éruptions; celles-ci sont ensuite piégées dans la couronne puis diffusent graduellement sur des échelles de temps de plusieurs jours (Reinard et Wibberenz, Simnett). Les particules sont alors transportées dans le milieu interplanétaire et atteignent l'observateur par convexion et co-rotation dans le plasma du vent solaire. Ce modèle se heurte à plusieurs difficultés, en particulier, comment rendre compte de la différence de composition entre les événements impulsifs et graduels. Une autre classe de modèles propose un processus d'accélération plus progressif ( Kahler et Reames) qui serait lié aux ondes de choc interplanétaires produites par les CME. Ce modèle rend aisément compte de la durée et du transport azimutal des particules. Néanmoins, dans un tel scénario, si l'accélération des ions jusqu'à 10 MeV/Nucléon est aisément comprise, il est plus difficile de rendre compte de la production d'électrons à des énergies élevées et de la présence de particules relativistes. Ce mécanisme découple les deux populations de particules coronales et héliosphériques. On notera cependant, l'existence de plusieurs indices d'observation révélant la présence de particules accélérées de façon quasi continue et pendant de longues durées ( Trottet et Kai et al.). Les électrons suprathermiques émettent des émissions radio pendant plusieurs jours ( Klein et al.). De plus les observations récentes du rayonnement gamma montrent que des électrons relativistes et des protons de plus de 200 MeV sont présents dans la couronne plusieurs heures après une éruption ( Kocharev et al. et Kanbach et al.).

En conclusion, la compréhension de l'accélération des particules énergétiques dans la couronne et/ou le milieu interplanétaire demeure un problème ouvert sur de nombreux points. L'origine des événements solaires détectés dans le milieu interplanétaire et leur relation avec les phénomènes coronaux posent de nombreux problèmes. A cet égard, la mission Ulysses est un atout important et ceci pour les raisons suivantes:

Dans ce domaine, mes recherches ont porté sur les questions suivantes:

Plan

La première partie de cette thèse présente quelques notions nécessaires à la compréhension des résultats exposés dans la seconde partie et contient aussi un résumé succinct de l'instrumentation utilisée ainsi qu'une présentation des données correspondantes. En annexe figurent les résultats qui ont fait l'objet de publications ainsi que ma contribution au programme d'analyse des donné es HISCALE.
1: Hard X-ray Telescope
2: Soft X-ray Telescope


Précédente: Résumé
Début: Début de cette page
Suivante: Éruptions


©Anne Buttighoffer Oct. 1996