Chapitre 1
Éruptions solaires
et Phénomènes Radio Associés
1.1. Diagnostics d'accélération des particules
Les particules accélérées contiennent une grande partie
de l'énergie libérée lors des éruptions solaires.
Le diagnostic le plus direct des électrons de quelques dizaines de keV
est le rayonnement de freinage qu'ils produisent dans les couches denses de
l'atmosphère solaire (chromosphère et basse couronne). Le
rayonnement est parfois observé jusqu'à quelques
dizaines de MeV et plus rarement jusqu'à quelques centaines de MeV, ce
qui implique l'accélération d'électrons ultra
relativistes (voir pour
une revue
Trottet et Vilmer).
L'observation des raies
(400 keV à 8 MeV) constitue le seul
diagnostic des ions dont l'énergie excède quelques
MeV/Nucléon. On estime que l'énergie totale contenue dans les
ions au dessus de 1 MeV/Nucléon est comparable à celle contenue
dans les électrons de plus de 20 keV
(Ramaty et al.).
Ions et électrons sont accélérés
simultanément dès le début des éruptions
(Trottet et
Vilmer).
Les études statistiques des événements X-durs
observés au dessus de 20 keV, indiquent qu'aucune des
caractéristiques telles que: la durée du sursaut,
l'intensité du pic de flux, l'énergie totale contenue dans
les électrons ou la pente du spectre en énergie, ne
présente une distribution binomiale. Sur cette base,
il ne semble donc pas exister différentes classes d'éruptions
correspondant à des processus d'accélération et/ou de
libération d'énergie différents. Il n'y a donc aucune
caractéristique évidente permettant de distinguer 2 classes
différentes d'éruptions associées aux
événements énergétiques solaires du milieu
interplanétaire impulsifs et graduels décrits dans
l'introduction.
Figure 1: Chronologie des émissions radio
lors d'une éruption dans les domaines métriques et
décamétriques
D'autres diagnostics sur l'accélération des électrons
sont fournis par les observations radio. La
figure 1 montre la chronologie
des émissions radio les plus typiques.
Au démarrage de l'éruption et du rayonnement X-dur, quand
il se produit, on observe une succession d'émissions de
brèves durées, typiquement
une seconde aux longueurs d'ondes décamétriques, qui
dérivent des hautes vers les basses fréquences. Ces
émissions dites de type III (TIII)
sont produites par des électrons de 2 à 20 keV qui
s'élèvent le long des lignes du champ magnétique et
produisent à chaque niveau des émissions radio dans la couronne
puis le milieu interplanétaire. Ces faisceaux d'électrons
modifient lors de leur passage la queue de la fonction de distribution
thermique du plasma ambiant qui devient instable. Des ondes de Langmuir
qui par couplage avec les hétérogénéités du
milieu engendrent des ondes électromagnétiques à la
fréquence de plasma locale ou à son second harmonique.
Comme la densité décroît dans la couronne et le milieu
interplanétaire à mesure que l'on s'éloigne du soleil,
la fréquence d'émission décroît avec l'altitude
(tableau 1 ).
r | 1,1 Ro | 2,0 Ro | 4,0 Ro | 6,0 Ro | 8,0 Ro | 10 Ro |
200 Ro | 2 ua | 3 ua | 5 ua |
ne m-3 | 0,14 1015
| 2,8 1012 | 0,12 1012 | 31 109 |
13 109 | 9,8 109 | 10 106 |
2,5 106 | 106 | 0,4 106 |
fp | 105 MHz | 15 MHz | 3,1 MHz | 1,6 MHz | 1 MHz
| 880 kHz | 30 kHz | 14 kHz | 9,5 kHz | 5,7 kHz |
Tableau 1: Variation moyenne de la densité électronique et
de la fréquence de plasma en fonction de la distance
héliocentrique selon le modèle de
Newkirk jusqu'à
1 ua et une dépendance en r-2 au-delà.
Les TIII les plus intenses
sont accompagnés par une émission à plus large bande (~100 MHz) dites de
type V (TV) (de quelques minutes).
Cette émission, dont la signature la plus frappante est l'apparition
d'une nouvelle source coronale, trace d'une brutale libération
d'énergie probablement causée par l'interaction entre des
structures magnétiques se réarrangeant et impliquant
peut-être une reconnexion.
On observe souvent, à la suite de
ces émissions, une émission à très large bande,
pouvant s'étendre du centimétrique au décamétrique.
La durée de cette émission de type continuum, dite
type IV (TIV), est de
l'ordre de quelques dizaines de minutes. Elle met en jeu le rayonnement
d'électrons de quelques centaines de keV par émission
synchrotron par rayonnement de plasma. La source d'émission est
complexe et une partie de l'émission peut être mouvante.
Ce mouvement correspond à une ascension de la source dans la
couronne, à des vitesses de l'ordre de quelques dizaines, voire
centaines de km/s. Une telle émission correspond au rayonnement de
particules injectées dans une arche magnétique en expansion
ou dans un plasmoïde éjecté vers le milieu
interplanétaire. L'on observe parfois également une
émission qui dérive lentement des hautes vers les basses
fréquences. Une telle émission, dite de type II (TII),
est provoquée par la montée d'une onde de choc dans la couronne.
L'émission de TIV persiste durant plusieurs heures. Sa source est
stationnaire et son rayonnement se limite progressivement au domaine
métrique/décamétrique puis se transforme en un orage
radio-électrique ordinaire.
En résumé, on retiendra que:
- Les sursauts TIII sont des indicateurs de l'injection de faisceaux
d'électrons montant dans la couronne puis le milieu
interplanétaire le long des lignes du champ magnétique.
L'énergie de ces électrons est de l'ordre de quelques dizaines
de keV.
- Les TIV et TV sont la signature de processus
d'accélération de particules particulièrement efficaces
et pouvant durer (dans le cas des TIV) plusieurs heures. Les électrons
peuvent alors être accélérés jusqu'à
quelques MeV et les protons jusqu'à plusieurs dizaines de GeV.
- Les TIV sont de probables indicateurs des CME particulièrement
utiles en l'absence d'observations en lumière blanche (comme sur le
disque par exemple).
- Les sursauts TII sont des indicateurs de chocs coronaux. Dans
l'état actuel des connaissances, il semble toutefois que l'onde de
choc associée au TII ne puisse être assimilée à
celle du choc induit par le CME.
1.2. Accélération dans le développement ultime
ou hors des éruptions
Les électrons suprathermiques sont observés dans les
régions actives plusieurs heures après les éruptions en
l'absence d'autres d'éruptions. En effet, les orages
radio-électriques, qui sont la forme la plus courante d'activité
solaire dans les longueurs d'onde métriques, sont la signature
de la présence de ces électrons dans la couronne. Cette
émission est formée d'un continuum auquel se superposent des
émissions de courte durée, et se fait à la
fréquence de plasma locale. Si l'énergie des
électrons qui sont responsables du rayonnement des orages est
typiquement de 10 keV, la puissance nécessaire pour émettre un
orage est de 1017 à 1018W soit 1022
à 1023J par jour. Les recrudescences d'orages ont
été associées à des renforcements de
densité en lumière blanche, interprétés comme la
trace d'un réarrangement magnétique de la couronne. Dans la
phase ultime des éruptions, les observations du rayonnement
ont révélé la présence de protons de quelques
dizaines à quelques centaines de MeV. Ces particules peuvent être
piégées ou accélérées dans
la couronne durant plusieurs heures après les éruptions.
Ces observations montrent que la couronne est, pour
l'héliosphère, une source possible de populations persistantes
de particules énergétiques.
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Vent Solaire
©Anne Buttighoffer Oct. 1996