Chapitre 3
Instrumentation et Utilisation
des Données
Introduction
Les résultats que j'ai obtenus au cours de ce travail reposent sur une
analyse conjointe des données en provenance de différents
instruments. On distingue d'abord les observations du Soleil dans plusieurs
domaines de longueurs d'ondes. On a ainsi accès à des
renseignements:
- d'une part sur l'activité solaire
(structure coronale et localisation des régions émissives)
- d'autre part des mesures des particules et des
émissions radio/plasma faites dans le milieu interplanétaire par
Ulysses et WIND.
Mon étude ayant porté sur les particules d'origine solaire dans
l'héliosphère, mon activité personnelle s'est
concentrée sur une des expériences d'Ulysses: HISCALE.
Les observations solaires
Le radiohéliographe de Nançay (NRH) observe dans le
domaine spectral 160-450 MHz. Il fournit la localisation et le flux des
sources d'émission à cinq fréquences donc cinq altitudes
entre ~0,3 et 1 Ro au dessus de la photosphère. Le pouvoir
de résolution dépend de la fréquence et atteint à
450 MHz 20" X 1' selon les directions Est-Ouest et Nord-Sud. La localisation
des sources est obtenue avec une précision d'une fraction de minute
d'arc (The Radioheliograph
Group et Kerdraon).
Les sursauts radio dont la source d'émission a souvent une structure
complexe, variant à des échelles de temps
inférieures à la seconde, nécessitent pour leur
étude une haute résolution temporelle. La résolution
temporelle élevée de 0,1 s de cet instrument s'est
avérée indispensable pour distinguer les
différentes composantes des sources.
Le télescope en Rayons X-mous (SXT)
embarqué sur le satellite Yohkoh fournit des images des régions
chaudes du plasma coronal. Il observe autour de 10 Å soit ~1 keV ou une
gamme de température supérieure à 2 millions de
degrés
(Tsuneta et
al.). Il détecte la structure fine de la couronne et ses
différentes manifestations dynamiques.
Plusieurs données reportées dans
des catalogues ou observations complémentaires (champ magnétique,
spectrohéliogrammes
H
,
spectres des sursauts radio...) ont
été également utilisées. Un exemple d'observations
combinées Yohkoh/Radiohéliographe de Nançay est
donné sur la
figure 1.
Figure 1: Figure composite d'une image en rayons X
du SXT et de positions radio du NRH extraite de
Buttighoffer et
al.; A 164 MHz, plusieurs sources proches sont détectées.
M repère une source mouvante; les symboles hachurés
correspondent aux positions à différentes fréquences
d'un continuum; les autres symboles désignent des sursauts (voir le
texte)
Mesures dans le milieu interplanétaire
Les données ont été fournies par la mission Ulysses et
plus récemment, par l'expérience à particules 3DP
embarquée sur WIND.
La sonde Ulysses (premier véhicule spatial explorant
l'héliosphère en trois dimensions) a été
lancée en Octobre 1990. Cette mission est
décrite en détail dans le numéro 92 de A&A Supplement
Series. La sonde croisa l'orbite de la planète Jupiter en
février 1992, et utilisa l'énergie gravitationnelle pour quitter
le plan de l'écliptique. En septembre 1994, la sonde se trouve à
80o sud de latitude solaire et un an après, elle effectue le
survol du pôle nord.
Figure 2: Trajectoire de la sonde en trois
dimensions.
La mission, telle qu'elle est représentée sur la
figure 2 comporte 3 grandes
phases:
- la phase écliptique qui dura 2 ans de la Terre jusqu'à
Jupiter et, permit d'explorer les grandes distances héliocentriques.
- un long passage dans l'hémisphère sud qui dura 4 ans et
permit d'explorer les moyennes et hautes latitudes entre 5 et 2 ua.
- le passage rapide du pôle sud au pôle nord qui se fit pendant
1 an à distance quasi constante ~2 ua.
Chacune des ces phases présente un intérêt distinct. Les
phases 1 et 3 permettent d'étudier la variation des
caractéristiques de l'héliosphère en fonction d'un
paramètre donné, respectivement la distance et la latitude.
Durant la seconde phase (le passage dans l'hémisphère sud) il
sera plus difficile de séparer les deux effets puisque la latitude et
la distance y varient conjointement et de façon importante.
Huit expériences sont embarquées sur la sonde permettant d'avoir
accès aussi bien à des mesures de quantités locales
(telles les paramètres du plasma) qu'à des mesures à
distance (par exemple les
émissions radio):
- Champ Magnétique (VHM/FGM)
- Plasma du vent solaire (SWOOPS)
- Composition des ions du vent solaire (SWICS)
- Radio et ondes de plasma (URAP)
- Particules énergétiques (EPAC)
- Particules de basse énergie (HISCALE)
- Rayons cosmiques (COSPIN)
- Rayons X solaires et sursauts Gamma cosmiques (GRB)
C'est principalement en raison du caractère très
complet des possibilités de mesures ainsi offertes que la mission est
originale. En particulier en ce qui concerne les particules, le spectre
en énergie est couvert presque sans interruption depuis les
particules thermiques du vent solaire jusqu'au rayons cosmiques.
Mon étude ayant porté sur les particules d'origine solaire
dans l'héliosphère, j'ai utilisé les données de
plusieurs expériences (souvent à travers la
CDF1)
et plus particulièrement 2 d'entre elles: l'expérience radio
URAP2
(observation du rayonnement radio dans la haute couronne et le milieu
interplanétaire) et l'expérience à particules de basse
énergie HISCALE (pour les mesures portant sur les particules solaires).
Un accord spécial entre HISCALE et VHM/FGM permet d'analyser les
mesures de particules de HISCALE avec les données magnétiques
à la même résolution (12 s).
L'expérience URAP
Description de l'instrument
L'expérience URAP, qui est
décrite par
Stone et al., mesure les
émissions radio-électriques du milieu interplanétaire
ainsi que les ondes de plasma. Les phénomènes qu'elle est
destinée à étudier sont de nature très
différentes. Étant donné les limitations de
télémétrie, il n'est pas possible d'avoir
simultanément une haute résolution temporelle et une haute
résolution spectrale. Les événements lentement variables,
tel le bruit thermique autour de la fréquence de plasma,
nécessitent une haute résolution spectrale et
peuvent s'étudier avec une résolution temporelle médiocre.
Au contraire, des événements comme les solitons, dont la
durée est de l'ordre de quelques ms, nécessitent une grande
résolution temporelle. L'étude des sursauts solaires de TIII
nécessite une large gamme de fréquence, avec une haute
résolution temporelle à haute fréquence et une plus
médiocre à basse fréquence. Pour pouvoir étudier
ces différents phénomènes il a été
nécessaire de réaliser une expérience comprenant quatre
instruments complémentaires. Deux de ces instruments ont
été utiles dans le cadre de mon étude.
Le Radio Astronomy Receiver (RAR) est divisé en deux bandes de
fréquences. Il utilise les antennes Z, +X et -X. La bande basse
fréquence couvre le spectre entre 1,25 et 48,5 kHz avec 64 bandes de
fréquences larges de 0,75 kHz espacées linéairement de
0,75 kHz.
A chaque rotation de la sonde, une fréquence de cette bande est
mesurée 12 fois pendant une seconde. A la rotation suivante, la
fréquence suivante est sélectionnée et mesurée.
Les 64 fréquences sont ainsi mesurées en 64 rotations soit
12 min 48 s. Ce mode de fonctionnement permet en particulier, de mesurer le
bruit thermique avec une grande résolution spectrale. C'est par
modélisation de celui-ci qu'il est possible d'obtenir une
bonne estimation de la fréquence de plasma locale et donc de la
densité électronique. La bande haute fréquence couvre
le spectre entre 52 et 940 kHz, avec 12 bandes de fréquence, larges de
3 kHz, espacées logarithmiquement. A chaque rotation, 3
fréquences sont mesurées simultanément toutes les 1,5 s.
Avec cet instrument, les sursauts solaires de TIII sont suivis depuis 940 kHz
jusqu'en basse fréquence (parfois jusqu'à la fréquence de
plasma) avec des résolutions spectrales et temporelles adaptées.
Le Plasma Frequency Reciever (PFR) mesure les champs électriques
le long des directions +X et Z. Il comprend 32 canaux, en échelle
logarithmique, ajustables depuis le sol entre 0,57 et 35 kHz. Il couvre cette
gamme en 0,5 s. Grâce à cet instrument, les émissions de plasma
telles que les ondes de Langmuir ou les ondes acousto-ioniques
peuvent être étudiées.
Quelques exemples de mesures
Figure 3: Sur ce spectrogramme de URAP, on observe
une émission de type III débutant vers 5 h UT à 940 kHz
et dérivant ensuite vers les basses fréquences. La bande basse
fréquence dans laquelle l'intensité est renforcée est la
fréquence de plasma locale (elle est de 10 kHz avant 12 h et
augmente brutalement à 20 kHz dans la seconde partie de la
journée). Image extraite de la page URAP au GSFC
http://urap.gsfc.nasa.gov/www/urap_homepage.html
La figure 3 est un
spectrogramme obtenu grâce aux mesures du RAR. L'intensité
à chaque fréquence est codée par une échelle
de couleur, ce qui permet de représenter les données dans un
plan avec comme axe des abscisses, le temps et en ordonnée, la
fréquence. Pour obtenir ce spectrogramme, on a interpolé les
mesures en temps et en fréquence afin d'avoir une représentation
continue. De tels spectrogrames permettent de visualiser l'ensemble des
émissions radio-électriques observées. On y voit en
particulier le bruit thermique émis autour de la fréquence
de plasma (~10 kHz avant 12 h UT puis 20 kHz ensuite),
un TIII dérivant depuis 940 kHz jusqu'à une vingtaine de kHz.
On distingue parfois en plus des
émissions de plasma: des ondes
de Langmuir (visibles comme d'intenses et brefs sursauts autour de la
fréquence de plasma) ainsi que des ondes
acousto-ioniques (sursauts brefs à basse fréquence visibles ici
entre 8 et 12 h UT). Les ondes de plasma sont étudiées plus en
détail grâce aux données PFR, WFA ou FES.
L'expérience HISCALE
Description de l'instrument
L'instrument HISCALE3,
décrit par
Lanzerotti et al.,
effectue des mesures sur les ions et électrons du milieu
interplanétaire. Il est constitué de 5 télescopes à
particules pointant dans des directions différentes. Les
télescopes sont des détecteurs à état solide
permettant d'identifier les électrons de 30 à 300 keV et les ions
de 50 keV à 5 MeV.
- Le spectre des particules est déterminé en utilisant un
analyseur de hauteur d'impulsion.
- Un télescope est dédié aux mesures de composition des
ions (protons, hélium, carbone, oxygène...).
- La direction des particules est mesurée en utilisant la rotation
de la sonde, les télescopes sont en effet répartis dans 4
directions à 30, 60, 120 et 150o de l'axe de rotation et
couvrent ainsi toutes les directions de l'espace lors d'une rotation (soit
toutes les 12 s).
Les quatre télescopes mesurant le flux et l'anisotropie des particules
doivent distinguer les ions des électrons. Ceci est
réalisé de deux façons différentes:
- les LEFS4
détectent les électrons entre 30 et 300 keV ainsi que les ions
entre 400 et 5000 keV. C'est une feuille de métal placée devant
le détecteur qui arrête les ions de basse énergie
(<400 keV). Une analyse de hauteur d'impulsion du signal produit dans le
détecteur lors de l'arrivée d'une de ces particules permet de
les distinguer et d'en donner l'énergie.
- les LEMS5
mesurent les ions entre 50 et 5000 keV.
Ils utilisent un champ magnétique en amont du détecteur
pour séparer les ions des électrons. En effet, en raison de leur
rapport de masse, les électrons ont un rayon de gyration très
inférieur à celui des ions, ils sont ainsi déviés
hors de l'axe du détecteur et seuls les ions sont mesurés.
Un des LEMS (celui situé à 30o de l'axe de rotation)
est équipé d'un détecteur hors de l'axe du
télescope et recueille les électrons de 30 à 300 keV
entrant dans le télescope.
La gamme d'énergie couverte par HISCALE est intéressante, en
particulier parce que les particules, électrons ou protons, de ces
énergies sont des traceurs du champ magnétique
interplanétaire. Les rayons de gyration des différentes
particules sont de l'ordre de quelques centaines de km pour les
électrons et de quelques dizaines de km pour les ions, ce qui rend ces
particules sensibles aux fluctuations
en direction du champ magnétique. HISCALE est en outre, pour les
électrons, l'expérience d'Ulysses comprenant la gamme
d'énergie la plus proche de celle des électrons responsables de
l'excitation des ondes de Langmuir (entre 10 et 30 keV d'après les
mesures effectuées à proximité du soleil).
L'anisotropie des particules est mesurée en tirant partie de la rotation
de la sonde. Toutes les directions de l'espace sont couvertes par
l'instrument lors d'une rotation. Cette couverture spatiale permet d'avoir
une mesure homogène de la distribution en angle d'attaque des particules
quelle que soit la direction du champ magnétique. Ceci est un point
crucial dans la détermination de l'origine des particules
observées.
L'aspect géométrique de ces mesures n'est pas toujours facilement
accessible et en particulier en raison de l'utilisation de différents
systèmes de coordonnées. Pour simplifier l'interprétation
physique des mesures, j'ai développé un ensemble de programmes
traitant ces aspects géométriques (voir
Annexe 1).
Quelques exemples de mesures
L'instrument HISCALE est tout d'abord capable d'effectuer des mesures
de flux des particules, dans chacun des secteurs de l'un de ses
détecteurs. La
figure 4 est un exemple de telles
mesures pour les 8 secteurs du LEFS60.
Les mesures de flux dans les différents secteurs des 4 LEMS et LEFS
peuvent être combinées, de façon à obtenir une
courbe de distribution de l'angle d'attaque des particules. Pour ce faire on
porte le flux normalisé (Flux/FluxMax) de chaque secteur, en
fonction du cosinus de l'angle axe du secteur/champ magnétique. De
telles courbes (représentées sur la
figure 5 permettent de voir
rapidement si l'on observe une distribution isotrope ou bien
un faisceau de particules alignées autour du champ magnétique.
Figure 4: Flux mesurés dans les huit secteurs
du LEFS 60 du 26 au 28 septembre 91. Les mesures correspondent aux
électrons de trois canaux d'énergie (42-65 keV rouge; 62-112 kev
vert et 112-178 keV bleu). On remarque le démarrage d'un
événement solaire impulsif vers 10 H TU le 26 septembre. On
distingue une nette anisotropie de cet événement par les
différences d'évolution de la courbe de flux dans les huit
secteurs.
Figure 5: Courbes de distribution en angle d'attaque.
L'axe des ordonnées représente le flux de chaque secteur
(chiffres et lettres) normalisé au flux maximal (porté en haut
de chaque courbe). L'intervalle de temps pendant lequel les mesures ont
été faites est noté au bas des courbes. L'axe des
abscisses est le cosinus de l'angle
/ axe du
secteur/champ magnétique. Dans ce cas, le faisceau arrive d'abord
très
collimaté dans la direction de -B: les flux proches de
cos(
)=-1
sont très forts. Un courant de retour se développe dans la
direction +B: les flux proches de
cos(
)=+1,
puis la distribution
redevient graduellement isotrope (flux égaux quelle que soit la
direction) au fur et à mesure que le flux baisse.
WIND 3DP
Cette expérience, décrite par
Lin et al. et
embarquée sur la sonde WIND, fournit la distribution 3D des
électrons et des ions sur une gamme d'énergie s'étendant
de quelques eV (correspondant au vent solaire) jusqu'à des
énergies de l'ordre de 300 keV. Le lancement de WIND a eu lieu le
1er Novembre 1994 ce qui correspond au début
de la phase de haute latitude de la mission Ulysses. Les données de
WIND ne m'ont donc servi que pour les phases les plus récentes de la
mission Ulysses.
1: Common Data File
2: Unified RAdio and Plasma
experiment
3: Heliosphere Instrument for
Spectra Composition and Anisotropy at Low Energies
4: Low Energy Foil Spectrometer
5: Low Energy Magnetic
Spectrometer
Précédente:
Vent Solaire
Début:
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Vision globale des
observations
©Anne Buttighoffer Oct. 1996